Sur les fleuves, gendarmes et Forces armées en Guyane tarissent la source de l’orpaillage illégal

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 15 mai 2024
Gendarme contrôlant une embarcation à Saut-Tourépé.
© GEND/ G.R. / ADC.BOURDEAU

En Guyane, les orpailleurs illégaux ne peuvent survivre qu’avec l’approvisionnement de leurs sites, dont la pirogue constitue le vecteur indispensable. Afin de briser cette chaîne logistique, gendarmes et soldats arment des Postes de contrôle fluviaux (PCF) disséminés sur le territoire et parviennent ainsi à obtenir des succès majeurs.

Avec un territoire composé à 94 % de forêt équatoriale, la Guyane ne dispose que de peu d’axes routiers. Les trajets s’effectuent par les airs et le plus souvent en pirogue, en naviguant sur les multiples cours d’eau qui strient le département. Les fleuves Maroni, à l’ouest, et Oyapock, à l’est, marquent la frontière, d’une part avec le Suriname, d’autre part avec le Brésil. Empruntés quotidiennement par les populations vivant sur leurs rivages, ils constituent également de véritables « autoroutes de l’orpaillage ». Les pirogues logistiques approvisionnent les chantiers clandestins en matériels divers, vivres et main-d’œuvre humaine en situation irrégulière (ESI). Afin de contrer ces flux illégaux, des Postes de contrôle fluviaux (PCF), tenus conjointement par les gendarmes et les Forces armées en Guyane (FAG), ont été créés. Ils sont érigés en des endroits stratégiques du territoire, comme à Tampok et à Inini, à l’ouest, et à Saut-Tourépé, à l’est, non loin de la commune de Régina.

Des installations dissuasives et adaptables

Les postes se dévoilent après un coude de la rivière. Les installations sont impressionnantes. À Tampok, un immense filet dressé entre les deux rives barre le fleuve. À Saut-Tourépé, la navigation est entravée par un barrage flottant composé de flotteurs et de lames servant à déchirer la coque des pirogues qui tenteraient de forcer le dispositif. Dans un cas comme dans l’autre, les embarcations doivent s’approcher de la rive afin de se soumettre aux contrôles des gendarmes, renforcés par les militaires des FAG. Ceux-ci disposent par ailleurs d’embarcations leur permettant de se porter rapidement au contact d’un piroguier qui battrait en retraite afin d’échapper au contrôle.

Installations de Tampok et Saut-Tourépé.
© GEND/ G.R. / ADC.BOURDEAU

« Le filet est scellé au fond du lit de la rivière, précise le gendarme Olivier, affecté à l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 13/5 de Sathonay-Camp et positionné à Tampok. Nous contrôlons toutes les embarcations. Nous relevons les identités, la motorisation, la destination et nous inspectons le matériel présent à bord. Le nombre de pirogues qui se présentent au poste chaque jour est variable. »

Gendarme contrôlant une pirogue.
© GEND/ G.R. / ADC.BOURDEAU

Ces sites évoluent dans le temps. Ainsi, à Tampok et à Inini, ils ont longtemps pris la forme de barges positionnées au milieu de la rivière. Néanmoins, la nécessité d’agrandir les postes a conduit à les déplacer sur les berges et à installer des obstacles permettant d’empêcher toute fuite.

Des postes tenus en permanence

« Nous tenons le poste 24h/24 et sommes relevés tous les quinze jours environ, poursuit le gendarme Olivier. Sur place, nous disposons de tout le nécessaire pour vivre. Des carbets ont été construits. Le premier correspond à l’endroit où nous mangeons, le second accueille l’infirmerie, le troisième nous permet de dormir. Des lits picots avec moustiquaires y ont été installés. L’électricité est fournie par un groupe électrogène qui fonctionne plusieurs heures par jour. Nous disposons ainsi d’Internet grâce au système Starlink. Par décision de la préfecture, la circulation de nuit sur les fleuves est interdite. Nous effectuons quand même une surveillance et procédons au contrôle des embarcations qui bravent l’arrêté. La cohabitation avec les Forces armées en Guyane se passe très bien. Nous échangeons sur nos métiers, qui ont beaucoup de similitudes, et nous apprenons à travailler ensemble. À Tampok, nous travaillons avec des militaires du 1ᵉʳ Régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP) de Pamiers, lequel arme la deuxième compagnie du 9e Régiment d'infanterie de marine (9e RIMa). Cette unité est originaire de ma région natale. Je trouve extraordinaire de nous retrouver sur un même poste alors que nous sommes à plus de 7 000 kilomètres de chez nous. La cohésion ne peut qu’en être renforcée. »

Cantonnement de Saut-Tourépé.
© GEND/ G.R. / ADC.BOURDEAU

Outre les contrôles opérés depuis ces sites, ceux-ci constituent des postes avancés permettant d’organiser des missions de lutte contre l’orpaillage illégal dans la profondeur du territoire.

Des résultats probants

Le gendarme Oussama, affecté à l’EGM 11/5 de Sathonay-Camp et détaché au 13/5 pour la mission, termine une action de lutte contre l’orpaillage illégal de plusieurs jours dans le secteur de Lipo Lipo. « Nous sommes partis de Tampok, d’abord en pirogue, puis à pied. Nous étions une section de quinze personnels, gendarmes et FAG confondus. Nous avons considérablement marché, jusqu’à 18 kilomètres en une seule journée. Nous avons obtenu de très bons résultats, en découvrant plusieurs caches logistiques. »

« Avant que le poste de Saut-Tourépé ne soit mis en place, beaucoup de garimpeiros (chercheurs d’or clandestins, NDLR) remontaient la rivière afin d’approvisionner les sites situés dans les terres, explique le gendarme Enzo, de l’EGM 13/3 de Pontivy. Le barrage est d’une efficacité redoutable. Sa présence a coupé court à l’activité dans le secteur. Nous ne contrôlons désormais quasiment plus que des touristes. Cette situation nous permet d’organiser des patrouilles en forêt tout en laissant une présence permanente sur le poste. Avec les légionnaires du 3e Régiment étranger d’infanterie (3e REI), nous recherchons du renseignement dans les secteurs alentour, où des chantiers clandestins pourraient encore être implantés. Nous nous montrons particulièrement complémentaires. Les militaires des FAG disposent d’une connaissance approfondie de la forêt équatoriale. Nous la complétons par notre compétence judiciaire. » Et de conclure : « l’efficacité du barrage est telle que des militaires du génie de l’armée de Terre sont récemment venus l’étudier dans la perspective éventuelle d’en installer d’autres sur le territoire. »

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